De nos jours, grâce aux traitements novateurs auxquels ils ont accès pour toutes sortes de maladies, les Canadiens bénéficient d’une augmentation de leur espérance de vie et d’une amélioration de leur état de santé. Un grand nombre de ces médicaments sont des produits biologiques – une classe de médicaments fabriqués à partir d’organismes vivants. Leur capacité à cibler de façon précise les mécanismes et les cellules responsables de l’évolution de la maladie modifie du tout au tout notre combat contre des affections comme le cancer, les maladies auto-immunes et le diabète, entre autres. Grâce à ces médicaments ainsi qu’aux progrès accomplis en matière de dépistage et de diagnostic, les Canadiens vivent plus longtemps et en meilleure santé. Par exemple, le nombre de décès dus au cancer du sein a chuté de 44 % depuis 1986.
Alors que les médicaments biologiques offrent des options thérapeutiques efficaces aux Canadiens depuis plus de 20 ans, l’apparition récente des produits biosimilaires – des versions de médicaments biologiques qui leur sont similaires, mais pas identiques – transforme le paysage des soins de santé au Canada. La complexité liée à la découverte de ces traitements, à leur fabrication et à leur introduction dans nos systèmes actuels de réglementation et de remboursement a suscité de nombreuses interrogations chez les patients canadiens, les professionnels de la santé et d’autres intervenants du secteur des soins de santé.
En tant qu’entreprise pharmaceutique axée sur la recherche, nous croyons que l’approbation de toute nouvelle option thérapeutique représente un pas dans le bon sens pour les patients. Étant donné la complexité de ce sujet et les éléments qu’il reste encore à définir pour l’intégration des produits biosimilaires dans le système de soins de santé du Canada, il nous paraît important d’expliquer ce que sont les produits biologiques d’origine et les produits biosimilaires, leur mode de fabrication ainsi que leur processus d’approbation pour une utilisation chez les patients.
Les médicaments biologiques
Actuellement, les médicaments sont soit des composés chimiques, soit des composés issus d’organismes biologiques. Selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, leur mode de fabrication et la façon dont ils agissent dans le corps humain sont radicalement différents.
Les petites molécules chimiquement synthétisées sont fabriquées grâce aux réactions chimiques entre différents composés organiques ou inorganiques. Les médicaments à petite molécule, comme l’aspirine (acide acétylsalicylique), représentent plus de 90 % des médicaments offerts sur le marché canadien1. En raison de leur taille, les petites molécules peuvent être amalgamées sous forme de capsules solubles ou de comprimés, qui sont absorbés dans la circulation sanguine. Il est aussi relativement simple d’en faire des copies conformes, appelées des équivalents « génériques ».
Les médicaments biologiques, d’un autre côté, sont des protéines fabriquées par des organismes vivants, comme des bactéries, des levures, des cellules ou des tissus de mammifères, ces protéines étant des milliers de fois plus grosses et complexes à mettre au point que les petites molécules. En réalité, la taille des molécules des médicaments biologiques est souvent de 200 à 1 000 fois plus grosse que celles des médicaments à petite molécule1. Comme ils sont significativement plus gros et plus difficiles à absorber par l’organisme, les médicaments biologiques sont administrés par injection sous-cutanée ou par perfusion (par voie intraveineuse dans une clinique ou un hôpital). Par ailleurs, le système immunitaire étant conçu pour reconnaître les protéines étrangères, les réactions à ces médicaments sont fréquentes. On appelle immunogénicité ces réactions immunitaires.
La complexité des données scientifiques étayant la mise au point de produits biologiques a un effet intrinsèque sur la complexité du processus de fabrication de ces produits. En particulier, le fait que les médicaments biologiques soient produits par des cellules vivantes rend la tâche encore plus difficile à ceux qui cherchent à comprendre le mode de fabrication d’un tel médicament. Par exemple, il n’existe pas deux organismes vivants exactement identiques. Il y a donc des différences dans les lignées cellulaires, qui peuvent avoir des répercussions sur la fabrication biologique du produit. Ces lignées cellulaires sont extrêmement sensibles à des facteurs externes, comme la température, la pression ainsi que d’autres variables, et des conditions de fabrication différentes peuvent aboutir à des différences dans les caractéristiques du produit.
Comme on peut le voir sur la vidéo suivante, de la série documentaire de la chaîne Discovery How It’s Made2, la fabrication d’un médicament biologique n’est pas chose aisée.
Les médicaments biosimilaires
Les médicaments biosimilaires ne sont pas l’équivalent des médicaments génériques pour les petites molécules. En raison de la taille, de la complexité et de la variabilité naturelle des médicaments biologiques, et comme ils sont fabriqués dans des cellules vivantes plutôt qu’avec des composés chimiques, il est impossible d’en faire une copie conforme. Les fabricants de médicaments biosimilaires partent d’organismes vivants distincts, et chacun d’eux doit mettre au point son propre processus de fabrication de façon indépendante. Ainsi, on peut montrer qu’un médicament biosimilaire et le médicament biologique de référence sont similaires, mais pas identiques.
Comme tous les médicaments, les médicaments biosimilaires doivent être soumis à un processus d’approbation visant à établir leur innocuité et leur efficacité. Les entreprises produisant des médicaments biosimilaires doivent fournir à Santé Canada des renseignements qui comparent le médicament biosimilaire au médicament d’origine, appelé médicament biologique de référence. Comme l’objectif est de démontrer la similarité, les données nécessaires pour l’obtention de l’approbation d’un médicament biosimilaire ne sont pas les mêmes que celles que l’on utilise pour un médicament biologique, aussi appelé médicament biologique de référence. Santé Canada évalue toutes les informations fournies pour prouver la similarité et vérifie qu’il n’y a pas de différences significatives en matière d’innocuité et d’efficacité. Cela étant dit, comme l’immunogénicité (la réponse immunitaire du patient) peut avoir un effet sur la sécurité du patient ou l’efficacité effective du médicament, il est important de pouvoir distinguer le médicament biologique de référence du médicament biosimilaire afin d’en effectuer une surveillance après leur approbation.
Bon nombre de médicaments sont utilisés dans plus d’un type de maladies ou « indications ». Par exemple, un même produit peut être approuvé pour une utilisation dans différents types de cancers. Les médicaments biologiques doivent subir toute une batterie d’études cliniques pour chacune de ces indications, afin de vérifier qu’ils ne présentent pas de danger et qu’ils seront bénéfiques pour la population particulière de patients qui vont les utiliser.
Comme un médicament biosimilaire a une structure et un fonctionnement similaires au médicament biologique de référence, qui dispose de données d’innocuité et d’efficacité bien établies, les études cliniques n’ont pas besoin d’être refaites pour toutes les indications. Dans certains cas, Santé Canada peut autoriser l’utilisation d’un médicament biosimilaire pour plus d’une indication, à partir des données d’une seule étude clinique.
Des questions demeurent
Maintenant que nous connaissons le mode d’approbation des médicaments biosimilaires au Canada, il nous reste à déterminer leur processus de remboursement et d’utilisation en pratique clinique. Le système de soins de santé du Canada est complexe : bien que ce soit Santé Canada qui autorise les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux au Canada, c’est ensuite aux provinces et aux territoires de déterminer les traitements qui seront remboursés dans leur territoire de compétence.
Un certain nombre de facteurs clés doivent être pris en considération dans l’analyse du mode de coexistence des médicaments biologiques et biosimilaires dans notre système de soins de santé :
Peut-on substituer un médicament biosimilaire à un médicament biologique de référence chez un patient en cours de traitement?
Par « substitution », on fait généralement référence au fait de remplacer une seule fois un médicament biologique de référence par un médicament biosimilaire. Dans certaines maladies, comme le cancer, on dispose de données limitées sur la substitution d’un médicament biosimilaire à un médicament biologique de référence. Cette substitution devrait faire l’objet d’essais cliniques complémentaires afin de vérifier l’absence de répercussions sur le patient. Santé Canada recommande que la décision de faire passer un patient d’un médicament biologique de référence à un médicament biosimilaire soit prise par le médecin traitant en consultation avec le patient, en tenant compte des données cliniques dont il dispose ainsi que de toute politique en vigueur dans la province ou le territoire concerné.
Les médicaments biosimilaires et biologiques seront-ils interchangeables?
Habituellement, les patients à qui on prescrit un médicament interchangeable avec un autre peuvent recevoir l’un ou l’autre à la pharmacie sans avoir à consulter le médecin qui a rédigé l’ordonnance. En raison de la complexité des médicaments biologiques, les biosimilaires ne peuvent pas être comparés à des médicaments génériques. L’autorisation d’un médicament biosimilaire par Santé Canada ne représente pas une déclaration d’équivalence au médicament biologique de référence. Au Canada, le pouvoir de déclarer deux produits comme étant interchangeables relève des provinces et territoires, en vertu de leurs propres règles et règlements. Comme c’est le cas pour la substitution, nous disposons de données limitées sur l’interchangeabilité, qui devra faire l’objet d’une évaluation par les autorités provinciales en matière de santé. Aux États-Unis, cependant, la Food and Drug Administration (FDA) est en train d’élaborer un guide sur les éléments à étudier pour qu’un médicament biosimilaire puisse être considéré comme interchangeable avec le médicament biologique de référence.
Quel est le mode d’identification unique des médicaments biosimilaires?3
Puisque les médicaments biosimilaires ne sont pas identiques à leur médicament biologique de référence, il est important qu’ils aient un nom distinct pour qu’il soit possible de surveiller et de tracer les différents produits, en particulier pour le signalement des effets secondaires ressentis par les patients. Santé Canada a récemment publié un énoncé de politique disant ce qui suit : « Les noms de marque et les noms génériques devraient être utilisés tout au long du processus d’utilisation des médicaments afin que les médicaments biologiques qui partagent le même nom générique puissent être distingués par leur nom de marque unique. » Santé Canada a également fait savoir que de plus amples lignes directrices paraîtront prochainement. Lorsqu’elles paraîtront, les systèmes médicaux électroniques des hôpitaux, des pharmacies et des cliniques privées pourraient nécessiter des mises à jour. L’organisme fédéral travaille à l’élaboration d’un système de déclaration qui vise à faire en sorte que le nom de marque et le nom générique soient tous deux utilisés aux fins de la déclaration d’effets secondaires. Comme aucun échéancier précis n’a été établi pour la mise en application de ces lignes directrices, les intervenants ne peuvent s’y préparer pour l’instant.
Bien que de nombreuses variables doivent encore être fixées par les intervenants gouvernementaux pertinents, l’introduction des médicaments biosimilaires est une chose très positive, tant pour les patients que pour le système de soins de santé du Canada. L’ouverture du marché à la concurrence est essentielle pour sa pérennité, et l’existence de fournisseurs multiples réduit les conséquences d’une éventuelle pénurie de produits pour les patients. La coexistence des produits biologiques novateurs et des produits biosimilaires sur le marché est importante, comme l’est le fait que les médecins et les patients connaissent l'existence de toutes les options thérapeutiques qui leur sont offertes. Pour l’avenir de notre système de soins de santé, il est essentiel que les médecins puissent prescrire les médicaments les mieux adaptés à leurs patients, et que les patients puissent avoir des conversations éclairées au sujet du choix de leur traitement.
22 septembre 2018; révisé le 4 mars 2019
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1. Ces chiffres figurent dans un rapport de l’Institut Fraser sur les produits biologiques. En vertu des lois canadiennes, nous ne sommes pas en mesure de fournir un lien direct vers ce rapport.
2. Vidéo en anglais uniquement.
3. Cette section a été révisée en mars 2019 à la lumière des nouvelles lignes directrices de Santé Canada.