Lorsque Grace Smith1 s’est réveillée un matin de 2011 avec des picotements au bout des doigts et, plus tard dans la journée, dans toute la main, elle a pensé qu’il s’agissait d’une réaction temporaire aux produits de nettoyage qu’elle avait utilisés la veille. Le matin suivant, tout son côté droit était complètement engourdi, de l’épaule à la taille; elle s’est donc rendue aux urgences. On lui a d’abord dit que ce n’était rien de grave. Probablement un nerf qui s’était coincé. Mais après en avoir discuté avec sa mère, une infirmière à la retraite, elle y est retournée pour avoir un deuxième avis. Quelques semaines plus tard, après plusieurs consultations et examens chez le médecin, Grace a été catapultée dans le monde de la sclérose en plaques (SP).

La SP est une maladie chronique lors de laquelle le système immunitaire se comporte anormalement et attaque le cerveau, la moelle épinière et les nerfs optiques du système nerveux central (SNC). Le Canada affiche l’un des taux les plus élevés de sclérose en plaques au monde : selon les estimations, 1 personne sur 340 en est atteinte au pays.

La maladie s’attaque à la myéline, la gaine qui protège les nerfs, provoquant de l’inflammation et ralentissant ou interrompant les signaux transmis à l’organisme. Ces lésions mènent à des symptômes imprévisibles et souvent débilitants comme des problèmes de coordination, une faiblesse, des troubles de la vision, un engourdissement et des picotements, des changements d’humeur et une fatigue extrême. La SP se manifeste différemment chez chacune des personnes qui en sont atteintes et les symptômes de la maladie – qu’il s’agisse de poussées périodiques avec aggravation des symptômes ou de problèmes chroniques qui s’aggravent à mesure que la maladie progresse – peuvent survenir à tout moment.

Grace a été dévastée par son diagnostic. À 33 ans, elle commençait tout juste sa carrière comme avocate plaidante spécialisée en droit commercial. Elle travaillait de longues heures dans un milieu très stressant où elle devait se montrer vigilante chaque seconde. Elle n’arrivait pas à imaginer à quoi ressemblerait son avenir après son diagnostic de SP. « Après le choc initial, j’ai passé deux semaines dans un état de déprime totale », explique Grace. « Je croyais que je finirais en fauteuil roulant d’ici deux ans. J’avais vraiment le moral à zéro. »

Comme si ce n’était pas suffisant, en raison des nuances de son diagnostic, Grace n’a pas pu recevoir le remboursement nécessaire pour un traitement qui, selon son neurologue, aurait pu contribuer à ralentir la progression de la maladie. Bien que l’IRM ait révélé la présence de sept lésions au cerveau et dans la colonne cervicale, signes caractéristiques de la sclérose en plaques, les symptômes ne s’étaient manifestés qu’une seule fois. Elle a donc reçu un diagnostic de syndrome clinique isolé (SCI), une forme de la SP caractérisée par un épisode unique de symptômes neurologiques. Bien que le SCI soit considéré comme la forme la plus précoce de la SP, il arrive que les gens qui en sont atteints n’aient jamais de deuxième poussée et qu’il n’y ait aucune progression vers un diagnostic de SP.

« On me renvoyait toujours chez moi parce que je n’étais pas assez malade. Ça n’avait aucun sens à mes yeux », dit-elle. « J’étais la dernière sur la liste parce que j’étais en bonne santé. » On a informé Grace qu’en raison de l’emplacement des lésions dans son cerveau, le risque de progression de la maladie était de 90 %. Une fois de plus, elle a lutté pour sa santé et a réussi à recevoir un traitement grâce à son insistance. Comme prévu, la maladie de Grace a évolué vers la forme cyclique de la maladie, connue sous le nom de sclérose en plaques récurrente-rémittente (ou SPRR), en 2017.

Aujourd’hui, en raison des dommages causés à son cerveau et à sa moelle épinière par la SP, Grace est aux prises avec des symptômes continus comme des migraines, la fatigue, des picotements persistants dans la main droite et l’avant-bras, de même qu’une perte de sensibilité dans les jambes lorsqu’elle marche plus de cinq minutes. Elle présente également une sorte de thermosensibilité, connue sous le nom de « phénomène d’Uhthoff », qui fait en sorte que ses symptômes empirent lorsque la température de son corps est trop élevée. Durant les poussées, elle devient extrêmement sensible à la chaleur, est incapable d’écrire à cause d’un manque de coordination et d’un engourdissement du côté droit de son corps, et il lui faut plus de temps pour formuler ses pensées, ce qui peut rendre son travail difficile.

« Tout compte fait, je suis quand même chanceuse », dit-elle. « Et je sais que le vent peut tourner d’un jour à l’autre, ce qui fait que je suis encore plus reconnaissante. »

Bien qu’elle se considère chanceuse de ne pas souffrir de troubles cognitifs ou de problèmes de mobilité importants, Grace a dû prendre des décisions difficiles en raison de sa maladie. Elle a fait des compromis dans sa carrière, choisissant de travailler pour une firme où son horaire de travail est plus régulier et où elle est entourée de collègues qui peuvent la soutenir si elle est fatiguée ou si elle passe une journée particulièrement difficile en raison de la SP. Son mari David et elle ont également décidé de ne pas avoir d’enfants, ce qu’ils considèrent comme un énorme sacrifice.

La sclérose en plaques est une maladie extrêmement imprévisible, ce qui fait qu’elle a un impact énorme sur la vie quotidienne. Il peut être difficile de prévoir comment une personne atteinte de SP peut se sentir d’un moment à l’autre. Pour Grace, des activités que la plupart des gens tiennent pour acquises (faire des plans pour aller voir un match de base-ball avec des amis, aller à un parc d’attractions ou même mettre de la sauce piquante sur ses ailes de poulet) constituent une source d’angoisse; il arrive souvent qu’elle y renonce tout simplement.

Pour Marie Leduc1, une autre patiente atteinte de SPRR, la maladie a pris une tournure complètement différente. Elle souffre de fatigue, de même que d’un engourdissement et de problèmes d’équilibre lorsqu’elle est fatiguée. Elle a aussi des problèmes de mémoire à court et à long terme. Au travail, il arrivait que Marie se rende au bureau de son gestionnaire pour lui poser une question et qu’elle ait oublié sa réponse une fois revenue à son poste de travail.

« Dans les réunions de famille, lorsque quelqu’un dit “te souviens-tu quand nous avons fait cela” ou “tu te souviens, quand nous étions à l’école secondaire”... Eh bien non, je ne me souviens pas », explique-t-elle. « Il y a beaucoup de choses précises dont je n’arrive pas à me souvenir. Je dois tout écrire. J’ai toujours un carnet où j’écris mes symptômes, mes questions et les réponses obtenues pour être certaine de ne pas oublier ce que je veux demander à mon médecin ou ce qu’il dit lorsque je vais le voir. »

Ces symptômes ont bouleversé la vie de Marie. En raison de sa maladie et de ses symptômes persistants, qui sont aggravés par le stress, elle a dû renoncer à sa carrière dans les assurances. « Les six premiers mois après avoir reçu mon diagnostic, je n’ai pas travaillé. J’y suis retournée à temps partiel pendant un certain temps, mais après quelques poussées de la maladie, j’ai dû arrêter complètement de travailler. Même maintenant, lorsque je suis stressée ou préoccupée, je commence à ressentir un peu d’engourdissement et de picotements dans ma jambe gauche. Je dois prendre un jour ou deux de repos total, puis les symptômes disparaissent. C’est mon corps qui me dit que j’en fais trop », explique-t-elle.

Avant son diagnostic, Marie était très indépendante. Elle était propriétaire d’une maison de campagne à environ une heure de son lieu de travail et aimait s’occuper de ses magnifiques massifs de fleurs. Aujourd’hui, elle habite dans un petit logement annexe à la maison de ses parents. Elle aide autour de la propriété autant qu’elle le peut en faisant des choses comme tondre la pelouse. Certaines tâches comme faire l’épicerie l’épuisent. Même si elle arrive toujours à conduire, si elle est fatiguée ou qu’elle a beaucoup de courses à faire, son père l’amène en voiture et la dépose à la porte de chaque magasin afin qu’elle n’ait pas à se garer et à marcher.

Marie a été diagnostiquée il y a 17 ans et elle continue de vivre sa vie. Lorsqu’elle a reçu son diagnostic, elle a cru que sa vie était finie et qu’elle devrait se déplacer en fauteuil roulant, terme qui ne fait désormais plus partie de son vocabulaire.

L’an dernier, Marie a commencé à faire du karaté avec son frère, qui vient d’obtenir sa ceinture noire. Même si elle ne peut pas toujours assister aux cours en raison de sa santé ou de son horaire, elle essaie d’y aller une fois par semaine lorsqu’elle le peut. « Ça m’aide beaucoup, tant sur le plan émotionnel que physique. Lorsque je repars chez moi après un cours, je me sens vraiment bien », dit-elle. « Il faut continuer de prendre soin de soi et de sa santé, et continuer de faire de l’exercice. Il faut poursuivre ses activités, ne pas simplement renoncer. »

Bien que Grace et Marie soient toutes deux atteintes de la SPRR, la forme la plus courante de la maladie qui se caractérise par des poussées imprévisibles clairement définies (également appelées « crises » ou « attaques ») entraînant l’apparition de nouveaux symptômes ou l’aggravation de symptômes existants, il existe de nombreuses formes différentes de SP.

Les personnes atteintes de la sclérose en plaques récurrente-rémittente (SPRR) connaissent une rémission complète ou quasi complète entre les poussées, tandis que dans le cas de la sclérose en plaques progressive secondaire (SPPS), les poussées et les rémissions se font moins précises avec le temps. On assiste alors à une progression continue de la maladie, parfois ponctuée de plateaux (périodes durant lesquelles l’état de santé du patient change peu ou ne change pas du tout). Environ la moitié des personnes atteintes de SPRR voient leur état commencer à se dégrader dans les 10 à 20 ans suivant le diagnostic et risquent de perdre graduellement leurs capacités.

En revanche, chez les patients atteints de sclérose en plaques progressive primaire (SPPP) – la forme la plus invalidante de la maladie – on peut observer une détérioration continue et constante des fonctions neurologiques au fil du temps. Sur les quelque 100 000 Canadiens atteints de SP à l’heure actuelle, environ 1 sur 10 est aux prises avec la SPPP. L’aggravation constante et continue de leur maladie entraîne des symptômes graves comme la difficulté à marcher (signe que la moelle épinière est atteinte), de même qu’une atrophie (ou rétrécissement) du cerveau et de la moelle épinière.

Bien que ces diagnostics de SP soient traditionnellement considérés comme des sous-types distincts, la progression de la maladie entre ces stades n’est pas bien comprise. Dans la plupart des cas, les personnes atteintes de SP consultent leur neurologue une ou deux fois par an. Par conséquent, il peut arriver qu’elles ne se rappellent pas clairement la dernière fois où les symptômes se sont manifestés ou qu’elles n’arrivent pas à déterminer s’il leur est plus difficile d’accomplir normalement des tâches par rapport au rendez-vous précédent.

Chez Roche, nous croyons qu’il faut en faire plus pour transformer la façon dont la SP est évaluée, prise en charge et comprise. Nous voyons la SP comme un continuum de maladies où l’activité de la maladie sous-jacente et l’invalidité peuvent progresser indépendamment des poussées. Avec un suivi plus précis en temps réel, nous pouvons en apprendre davantage sur la maladie et sur la façon dont elle progresse chez les patients d’un stade à l’autre. Grâce à un projet de recherche mondial que nous espérons lancer au Canada avant la fin de l’année, nous cherchons à faire du suivi de précision une réalité pour les personnes atteintes de SP et leurs médecins avec des tests neurologiques actifs conçus expressément pour la SP et un suivi passif réalisé à l’aide d’une application sur un téléphone intelligent.

L’utilisation de la technologie pour mesurer objectivement et quantitativement la progression quotidienne de la maladie sans que les patients aient à se rappeler les symptômes peut nous aider à aller au-delà des symptômes visibles que peut présenter un patient ou que peut observer un neurologue. La progression de la maladie qui aurait pu autrement passer inaperçue peut ainsi être relevée et prise en charge afin d’augmenter la possibilité de prévenir les incapacités futures.

Nous avons fait des progrès importants dans la compréhension et la prise en charge de la sclérose en plaques, aidant ainsi des patients comme Grace et Marie à vivre une vie plus saine et plus active. L’utilisation de nouvelles approches pour effectuer un suivi plus précis de la SP peut nous aider à mieux comprendre la maladie, à réagir aux changements plus rapidement et, en définitive, à protéger la santé du cerveau des personnes vivant avec cette maladie.

 

26 mai 2018

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1. Afin de protéger la vie privée des personnes présentées dans ce texte, les noms des patientes et les détails permettant de les identifier ont été modifiés.