L’avenir de la santé : œuvrer ensemble vers un Canada plus fort
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Publié pour la première fois le 29 mai 2025 sur TheFutureEconomy.ca
par Brigitte Nolet, présidente-directrice générale de Roche Pharma Canada
Le Canada se trouve aujourd’hui face à une croisée des chemins déterminante pour son avenir en santé, avec tout ce que cela comporte d’enjeux et de possibilités. La population vieillissante, le personnel médical sous tension et les insécurités économiques et géopolitiques auxquelles nous faisons face demandent notre attention immédiate. Cependant, le contexte actuel peut aussi s’avérer riche en occasions de collaboration. Il est essentiel pour les dirigeants d’entreprise, les décideurs politiques et les experts d’unir leurs forces pour soutenir nos secteurs les plus dynamiques, notamment celui des sciences de la vie. Ce faisant, nous pourrons améliorer les résultats en santé pour les patients, dynamiser notre économie, créer des emplois bien rémunérés, retenir les talents à l’intérieur de nos frontières et cultiver des écosystèmes de santé et de recherche dynamiques.
Un secteur des sciences de la vie stable et productif sert de fondation à une économie forte et à des collectivités en santé. Selon Statistique Canada, en 2022 uniquement, le domaine canadien des sciences de la vie a investi jusqu’à 3,2 milliards de dollars en recherche et développement, a permis d’entretenir plus de 110 000 emplois à temps plein à valeur élevée, et a généré 18,4 milliards en activité économique au Canada. Des études de McKinsey and Company révèlent que chaque dollar investi en santé entraîne des retombées économiques qui se chiffrent entre 2 et 4 dollars.
Aujourd’hui, nous ne faisons encore qu’effleurer la surface de ce qui est possible. Or, parvenir au plein potentiel du secteur des sciences de la vie n’arrivera pas par hasard. Nous aurons besoin de milieux politiques à la fois proactifs et favorables à l’innovation, ainsi que d’efforts coordonnés dans tout le pays. Nous devrons aussi bien comprendre nos avantages concurrentiels et les exploiter pleinement, avec intention et détermination.
Roche Canada s’est récemment associée à TheFutureEconomy.ca pour produire la série L’avenir de la santé; des experts et des leaders du monde de la santé y décortiquent des stratégies visant à faire évoluer le système canadien des soins de santé. L’un des fils conducteurs de ces discussions a été l’importance de la collaboration pour l’atteinte de résultats transformateurs. Partant de ces observations, penchons-nous sur trois aspects de notre système de santé qui pourraient grandement profiter d’une approche harmonisée : les données médicales connectées, les essais cliniques et l’accès à l’innovation.
Connecter les données médicales au Canada
Comme le Canada progresse vers les soins connectés, la production de précieuses données médicales augmente à un rythme soutenu. Les dix provinces et les trois territoires du pays, responsables de la prestation et de la gestion des soins de santé dans leurs régions, réalisent d’importantes avancées à différents chapitres – ce qui, comme l’explique Abhinav Kalra, vice-président directeur du volet des soins connectés pour Inforoute Santé du Canada, entraîne malheureusement une fragmentation des données et des systèmes. Dans ce contexte, une normalisation s’impose. Et justement, des partenaires du domaine des données médicales à l’échelle nationale travaillent d’arrache-pied à créer un réseau pancanadien d’interopérabilité.
Comment promouvoir ce travail et y contribuer?
Nous pouvons bâtir des infrastructures modernes pour les données médicales qui respectent des normes communes afin d’assurer la collecte de données de qualité. Il conviendra aussi de mettre en place des cadres de gouvernance à la fine pointe pour régulariser le flux et l’utilisation des données, ce qui améliorera les résultats obtenus tant par les patients que par les systèmes.
En tant qu’institutions, nous pouvons instaurer un lien de confiance avec le public. Julia Burt, responsable opérationnelle de l’engagement du public au Réseau de recherche sur les données de santé du Canada, suggère que nous mettions en œuvre des pratiques axées sur la fiabilité, dont l’engagement du public et des processus favorisant la transparence des données.
Utilisons-les, ces données! Pour acquérir de l’expérience, nous devons puiser à même des données médicales non traditionnelles pour accélérer et rendre plus exacte notre prise de décisions en santé, que ce soit en matière de réglementation et d’accès ou de soins cliniques.
Enfin, exprimons-nous. D’après une enquête d’Inforoute Santé du Canada datant de 2023, menée auprès de 10 000 Canadiens, 81 % d’entre eux souhaitaient avoir accès à leurs données médicales personnelles, et 85 % étaient d’avis que leurs données devraient être transmises par voie électronique à leurs différents prestataires de soins de santé. À l’heure où le reste du monde investit pour connecter entre elles les données des patients, le Canada se doit lui aussi d’en faire une priorité.
Avec des données médicales de qualité, l’impossible devient possible. Comme l’explique le docteur James White, directeur du service de médecine de précision à l’Institut cardiovasculaire Libin de l’Université de Calgary, des équipes du monde entier trouvent de nouvelles utilités aux données médicales dans le but de transformer la pratique de la médecine. D’imposants registres contenant les données de dizaines de milliers de patients ont permis de toutes nouvelles observations en matière de prédiction des résultats, particulièrement dans le domaine de la cardiopathie. En revanche, le corps médical aura assurément besoin d’aide pour analyser ces millions d’informations.
C’est là que l’intelligence artificielle (IA) entre en scène. Selon Laurent Tillement, directeur de l’IA et des partenariats en santé chez Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle, et Ryan MacDonald, directeur de la mise en œuvre de l’IA en santé à l’Institut Vecteur, l’IA peut servir dans tous les domaines où l’on emploie des données, que ce soit pour la prévention, le diagnostic, la surveillance des patients ou les tâches administratives. Elle peut améliorer des processus, harmoniser des chaînes d’approvisionnement et rehausser l’efficacité des structures.
Pour concrétiser cet impressionnant potentiel, nous devons coordonner nos activités et mettre en place des catalyseurs politiques capables de viser le juste milieu entre sécurité et innovation, notamment par les moyens suivants :
Épauler les organisations de santé qui souhaitent acquérir, créer ou mettre en œuvre des innovations échelonnables qui exploitent l’IA.
Permettre aux organismes de réglementation de moderniser leurs pratiques et leurs cadres de travail afin d’apaiser les craintes du public en matière d’utilisation responsable de l’IA.
Investir dans nos infrastructures de manière stratégique pour stimuler l’innovation en IA au Canada.
Chez Roche Canada, nous reconnaissons la puissance de l’IA, et avons collaboré avec de nombreux partenaires de premier plan pour favoriser son intégration aux soins de santé. En novembre 2020, nous avons lancé L’IA chez Roche, en partenariat avec Mila, l’Institut Vecteur et l’Alberta Machine Intelligence Institute (Amii), pour accélérer la transformation numérique des soins. En novembre dernier, nous nous sommes associés au gouvernement de l’Ontario pour élargir notre division informatique mondiale au Canada, créant près de 250 emplois occupés par des professionnels hautement qualifiés en IA, en apprentissage machine et en biologie computationnelle, entre autres. Forte de ces nouvelles ressources, Roche pourra mieux comprendre les maladies et proposer plus rapidement ses innovations aux patients.
Les essais cliniques : vers une approche commune
Dans tout le Canada, nous travaillons aujourd’hui à surmonter les obstacles au commerce entre les provinces. J’appuie pleinement cette démarche, et dans la foulée, je nous encouragerais à faire preuve du même esprit de collaboration pour corriger nos problèmes en matière d’essais cliniques et accélérer les avancées permises par ces derniers. Nous devons cesser d’envisager les essais cliniques comme des compétitions entre les provinces, et travailler ensemble sous la bannière de l’unité nationale. C’est ainsi que nous pourrons attirer de meilleurs investissements et des innovations en santé à la fine pointe au Canada.
Voici à quoi pourrait ressembler une approche coordonnée et plus proactive en matière d’essais cliniques :
investir afin d’accélérer le rythme d’accès et de participation aux essais cliniques au Canada;
favoriser l’amorce d’essais cliniques au moyen de contrats-cadres;
accélérer ou harmoniser les approches relatives aux envois et aux examens au sein des comités d’éthique de la recherche;
cultiver et favoriser une plus grande diversité au sein de nos essais cliniques.
Selon le docteur P.J. Devereaux, directeur du service des soins périopératoires de l’Institut de recherche sur la santé de la population de l’Université McMaster, le Canada est une vraie figure de proue en matière d’essais cliniques fructueux. En effet, nous pouvons compter sur un personnel hautement qualifié dont la recherche influence les soins dans le monde entier. Le Canada est le pays le plus productif de tout le G7 en matière d’essais cliniques; en 2023, le pays s’est classé troisième au monde au chapitre du nombre total de nouveaux essais cliniques, et quatrième pour le nombre total d’essais cliniques en cours. Toutefois, pour demeurer concurrentiels, nous devons unir nos efforts d’un bout à l’autre du Canada de manière à amorcer, à mener et à concevoir, plus rapidement et avec plus d’agilité, des essais qui touchent un plus large éventail de personnes, des centres communautaires aux grands milieux universitaires. Nous avons un devoir envers les patients du Canada, celui de tout faire pour leur offrir un accès plus rapide à des traitements novateurs.
Accès à l’innovation
Les personnes qui dépendent d’un régime d’assurance publique doivent composer avec d’importants retards dans l’accès aux nouveaux médicaments, résultat, entre autres, des processus d’approbation et de financement séquentiels du Canada. Ainsi, les Canadiens doivent patienter en moyenne deux ans avant d’avoir accès à des médicaments approuvés par Santé Canada par l’entremise de régimes publics – un temps d’attente deux fois plus long que dans d’autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Obtenir plus rapidement de nouveaux médicaments pourrait garantir de meilleurs résultats aux patients, rehausser leur qualité de vie et alléger le fardeau socioéconomique de la maladie.
Bien sûr, d’indéniables progrès ont déjà été accomplis. L’Agence des médicaments du Canada a pris d’importantes mesures pour accélérer l’accès aux nouveaux traitements, y compris l’initiative Objectif zéro, qui vise une attente de zéro jour entre l’approbation réglementaire par Santé Canada d’un médicament novateur et l’avis de recommandation de son remboursement par les régimes publics. De plus, en décembre dernier, le Conseil de la fédération, composé de nos premiers ministres, a fait le serment d’accélérer les approbations afin de réduire d’au moins neuf mois le temps d’attente avant la distribution de médicaments contre le cancer aux patients. C’est une excellente nouvelle… mais imaginons un peu ce que nous pourrions accomplir en continuant de collaborer à l’échelle nationale et de cultiver de solides partenariats public-privé pour veiller à ce que tous les médicaments novateurs parviennent aux patients canadiens qui en ont besoin, au moment opportun.
Les partenariats public-privé peuvent également élargir l’accès aux traitements pour les Canadiens et leur offrir davantage d’options. Par exemple, une étude menée par le Réseau de santé Horizon au Nouveau-Brunswick et financée par Roche Canada a servi à prodiguer des traitements d’immunothérapie contre le cancer à domicile à des patients au moyen d’une injection sous-cutanée (sous la peau), pour la toute première fois au Canada. À l’heure où les hôpitaux fonctionnent déjà au maximum de leur capacité, des projets du genre promettent des traitements plus flexibles et plus accessibles, surtout pour les patients qui ont du mal à se déplacer entre leur résidence et le lieu de leur traitement. Jennifer Sheils, vice-présidente à la stratégie et à la transformation et chef de l’innovation du Réseau de santé Horizon, estime que des partenariats du genre seront nécessaires un peu partout dans l’industrie pour assurer la durabilité des soins et surmonter les difficultés qui se présentent. Nous devons aussi travailler de près avec nos patients. Erin Cook, directrice de la Qualité, Transformation, Évaluation, Valorisation, Éthique clinique et organisationnelle des soins virtuels du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, explique qu’en nous concentrant sur les résultats qui importent le plus aux yeux des patients, nous pourrons réduire la fréquence des soins et éventuellement réduire les coûts totaux.
Un appel à l’action dans tout le Canada
En cas de problème, un patient devrait pouvoir compter sur un système de santé qui ne lui impose pas de nouveaux obstacles. Plus que jamais, nous devons nous partager la responsabilité de répondre aux besoins des patients, et concrétiser des idées qui serviront réellement à améliorer nos soins de santé.
J’ai eu le plaisir d’animer le premier épisode de la série L’avenir de la santé, pour lequel j’ai reçu Alison Evans, présidente-directrice générale de Recherche Canada. Ensemble, nous discutons du potentiel du Canada en tant que plaque tournante de la biotechnologie et établissons qu’il possède tous les ingrédients pour devenir une destination de premier choix sur le plan de l’innovation et de la croissance mondiales. Comme le souligne Alison, étant donné les difficultés auxquelles nous faisons face, nous devons saisir l’occasion, surtout face à un public de plus en plus frustré : « Les sentiments et les désirs des Canadiens doivent être mobilisés pour que nous puissions apporter un changement transformateur ». Je ne pourrais être plus d’accord.
Lorsque tous – secteur public, secteur privé et patients – travailleront vers le même objectif, nous verrons advenir un Canada plus fort et en meilleure santé. Les sciences de la vie forment l’un des piliers de notre économie. Une fois les bonnes politiques mises en œuvre, le Canada pourra compter sur l’industrie des sciences de la vie pour trouver des solutions efficaces. En adoptant un état d’esprit d’unité au Canada et en nouant des partenariats stratégiques, nous pourrons bâtir un système de santé résilient et avant-gardiste qui enrichira notre santé, notre économie et nos sociétés. Cliquez icipour découvrir le reste de la série L’avenir de la santé.