Du diagnostic à l’activisme : transformer le système de santé par l’engagement des patients
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Roche Canada s’est associée à des défenseurs des droits des patients pour rédiger une série d’articles présentant leurs témoignages, expériences et conseils uniques. Ces récits, qui représentent leurs propres points de vue, visent à inspirer et à mobiliser, et offrent de l’information précieuse tirée de leur expérience directe.
Par Michelle Burleigh, défenseuse des intérêts et consultante en santé
J’ai grandi à une époque où l’on faisait croire aux enfants que les soins de santé au Canada étaient gratuits, et qu’on pouvait faire aveuglément confiance au système. J’y ai d’ailleurs cru jusqu’au jour où l’on m’a diagnostiqué une forme de cancer aussi rare qu’agressive, la leucémie promyélocytaire aiguë. À 36 ans, et vu mon mode de vie actif, je croyais être la dernière personne à risque d’une telle maladie. Par conséquent, quand je me suis coincé un muscle de la hanche pendant une séance d’entraînement, je n’en ai pas pensé grand-chose. Comme pour que je m’inquiète encore moins, de nombreux médecins m’ont confirmé le problème bénin que je croyais avoir, me prescrivant des antidouleurs qui ont contribué à masquer la situation plutôt qu’à la corriger.
Mais la douleur a duré des semaines. J’ai donc fait ce qu’il me restait à faire : j’ai téléphoné au service anciennement appelé Télésanté Ontario, qui sert à demander conseils et renseignements sur la santé à des membres du personnel infirmier autorisé. Leur réaction a été radicalement différente de celles que j’avais eues jusque-là. Ils m’ont vivement conseillé de laisser tomber ce que je faisais et de me rendre au service d’urgence le plus proche.
Cinq heures plus tard, j’étais admise au Juravinski Cancer Centre pour y amorcer immédiatement un traitement aux allures de course contre la montre. J’étais couverte de bleus causés par l’éclatement de vaisseaux sanguins; j’étais en pleine hémorragie au moment de mon admission, et mes reins se sont mis à cesser de fonctionner pendant que ma température augmentait en flèche. Les médecins résidents ont tout de suite amorcé ma chimiothérapie tout en m’administrant sans interruption des sacs de produits sanguins, d’antiviraux et d’antibiotiques. Tout ce temps, je me disais que je n’aurais jamais dû devoir insister autant pour obtenir un diagnostic. Immédiatement après, je me suis demandé : si j’avais été moins tenace, aurais-je même survécu jusque-là?
Pour trop de gens atteints de leucémie promyélocytaire aiguë, la réponse est non; cette pensée était, et demeure, intolérable. Comment fonctionne notre système de santé – ou plutôt, de quelles façons fait-il défaut pour qu’une personne puisse se rendre là, et seulement en luttant littéralement pour sa vie?
Mais parmi le chaos du traitement et de la myriade d’émotions qui m’a assaillie dans les jours, les mois et les années suivant mon diagnostic, il s’est produit quelque chose d’inattendu : j’ai trouvé ma voix, et avec elle, ma raison d’être.
J’ai compris que je pourrais contribuer à façonner quelque chose qui irait bien au-delà de ma propre histoire : le système de santé canadien dans son ensemble.
Ce que signifie vraiment l’engagement des patients
Par « engagement des patients », on ne désigne pas que la politesse des médecins à leur égard ou l’emploi de termes compréhensibles. Il s’agit de faire des patients des partenaires à part entière dans le façonnement de politiques, de programmes et de recherches en santé. C’est leur faire une place à la table des décideurs, en leur disant : « Nous avons besoin de votre avis ».
Ayant été confrontés à un cancer ou un autre problème de santé chronique, nous possédons un point de vue qu’aucun manuel, aucun diplôme ne peut offrir. Nous connaissons l’angoisse de l’attente des résultats, la frustration causée par des options de traitement limitées, et la difficulté de s’y retrouver dans des systèmes de soins fragmentés. Notre expérience est inestimable, mais trop souvent ignorée.
À titre de patients, nous devons notre qualité de vie – et parfois notre vie elle-même – au personnel qui élabore des diagnostics et des traitements, des études cliniques, des politiques et des programmes pour les patients. À quelle fréquence ces gens sont-ils témoin des effets de leur travail acharné sur la vie des autres? Nos témoignages peuvent donner vie à cette magie, redonnant le moral au personnel médical et lui rappelant la profonde humanité de son travail. Et si nos histoires ne servaient pas que de source d’inspiration?
En collaborant avec nous, en nous posant des questions sur nos expériences et en comprenant les différences entre les attentes de nos professionnels de la santé et leur manifestation dans le réel, on pourra s’assurer d’axer davantage sur le patient la prestation des soins et les priorités en recherche. En fait, les études montrent que l’engagement améliore les résultats en santé et la satisfaction des patients, tout en augmentant le rendement des hôpitaux. Et n’est-ce pas ce que nous voulons tous – apprendre, grandir et améliorer les choses pour ceux et celles qui viendront après nous?
Du transactionnel au transformateur
Soyons honnêtes : intégrer « l’engagement des patients » donne encore parfois l’impression d’être une simple case à cocher. Mais lorsqu’il est bien mis en œuvre, ses résultats sont transformateurs.
Il existe une foule de manières pour nous, les patients, de contribuer à structurer et à perfectionner les systèmes de santé. J’ai fait partie d’équipes de direction qui ont su redéfinir l’engagement des patients au sein d’entreprises entières. J’ai participé avec des comités à élaborer des questionnaires capables de mieux recueillir les données témoignant des lacunes dans les parcours des patients – qui ne commencent et ne s’arrêtent pas, respectivement, au diagnostic et à la fin du traitement. J’ai expliqué à des professionnels de la santé ce que c’était que de vivre des jours aussi sombres, pour les inviter à faire preuve de plus d’empathie et de compassion au moment d’annoncer des nouvelles aux patients.
Ces expériences m’ont appris quelque chose d’essentiel : si les livres enseignent comment les choses devraient se dérouler, l’expérience vécue nous montre comment elles se passent réellement. Les points de vue offerts par les patients remettent en question les croyances et les idées préconçues, en plus d’ancrer l’innovation dans des expériences réelles. Sans la convergence de ces deux éléments essentiels, il nous sera impossible de viser les bonnes évolutions pour s’améliorer en profondeur.
Pourquoi votre voix compte
Si vous vous êtes déjà senti ignoré, frustré par vos soins, ou si vous avez déjà eu envie d’aider d’autres personnes à affronter des expériences comme la vôtre, vous n’êtes pas seul – et vous n’êtes pas impuissant. Que vous veniez de recevoir un diagnostic, que vous suiviez un traitement, que vous ayez pris en charge votre maladie ou que vous soyez rétabli, votre récit renferme de précieuses vérités qui peuvent donner lieu à des changements concrets.
D’ailleurs, pas besoin d’être conférencier ou expert en création de politiques pour s’impliquer. Il s’agit seulement de croire que les choses peuvent s’améliorer – et de bien vouloir partager ce que l’on a appris en cours de route.
Cinq moyens de s’impliquer par l’engagement des patients
Vous ne savez pas par où commencer? Voici quelques pistes concrètes pour faire entendre votre voix :
Racontez publiquement votre histoire : les blogues, les balados et les médias sociaux sont de puissants vecteurs de sensibilisation et d’appel au changement.
Appuyez la défense des droits en politique : associez-vous à des organisations de patients ou écrivez à vos élus pour leur faire part de sujets qui vous tiennent à cœur.
Prenez part à la recherche en santé à titre de patient partenaire : de plus en plus d’équipes de recherche sollicitent des patients pour les aider à concevoir, à analyser et à façonner des études qui répondent à des besoins réels.
Joignez-vous à un conseil consultatif des patients et des familles : vous travaillerez directement avec des leaders du domaine de la santé pour améliorer les services offerts et les expériences qui en résultent.
Adressez-vous aux organisations de conseils de la qualité provinciaux et fédéraux : Santé Ontario, les services de la santé d’Alberta, et le Conseil de sécurité et de qualité des patients de la C.-B. sollicitent régulièrement l’avis de patients pour apporter des améliorations à l’échelle de tout le système. L’Agence des médicaments du Canada a même ajouté un premier patient partenaire à son comité de direction en 2024!
Un appel à l’action pour tous
Le système de santé du Canada est à la croisée des chemins; il est plus important que jamais de se mobiliser pour améliorer la prestation des soins. Mais nous ne pourrons pas y arriver sans l’apport de ceux qui les reçoivent.
Vous vous demandez si votre histoire vaut la peine d’être racontée? C’est le cas.
Vous vous demandez si vous pouvez changer les choses? Sachez que oui.
Si vous attendez la permission de vous exprimer – vous n’en avez pas besoin.
Ensemble, nous pouvons bâtir un système de santé qui ne fait pas que traiter les patients – mais les écoute, apprend d’eux, et assure à tout le monde un avenir meilleur.